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Introduction
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Depuis la fin du XIXe siècle et les travaux de Rabl,
de nombreuses hypothèses ont été émises quant
à l'existence ou non d'une architecture organisée et contrôlée
de la chromatine pendant l'interphase, hypothèses qui ont évolué
en fonction des techniques disponibles pour les vérifier. Ainsi, pour
Rabl, il devait exister une compartimentalisation du noyau, chaque chromosome
occupant un territoire défini. Cette hypothèse reposait essentiellement
sur des concepts théoriques puisque les techniques de microscopie optique,
si elles ont permis de décrire certaines structures comme les nucléoles,
n'avaient pas la résolution nécessaire pour distinguer les fibres
de chromatine les unes des autres. Cette idée de l'organisation du
noyau interphasique a été remise en cause par les travaux de
microscopie électronique effectués dans les années 60
et 70. Les résultats en ont été décevants puisque
malgré l'excellente résolution obtenue, aucune architecture
particulière des molécules d'
Principal composant du noyau, la Il s'agit donc de structures fonctionnelles liées
à la synthèse des ARNr et non pas de structures pré-établies
indispensables à cette synthèse. Cette synthèse s'effectue
à partir de b. Le noyau est délimité par une enveloppe
constituée d'une double membrane (membranes nucléaires
interne et externe, séparées par l'espace péri-nucléaire).
A la face interne de la membrane nucléaire interne, on trouve un feutrage
de filaments intermédiaires, la lamina, composée de trois protéines
essentielles : les lamines A, B et C. La lamina possède de très
nombreuses interactions avec des protéines de la membrane nucléaire
interne et avec la chromatine, en relation avec ses fonctions dans l'organisation
de l'enveloppe nucléaire et probablement dans la régulation
de l'expression des gènes. Au début des années 80, grâce à
des expériences d'irradiation laser de cellules de hamster, ont été
apportés les premiers éléments d'observation en faveur
de l'existence de territoires chromosomiques. Mais c'est l'hybridation in situ
avec des sondes de peinture chromosomique qui, en permettant de visualiser directement
le matériel génétique spécifique à chaque
chromosome, a montré que chacun occupe un territoire bien délimité,
sans mélange ni recouvrement avec les territoires voisins, confirmant
ainsi la théorie de Rabl. Ces résultats ont été
retrouvés pour toutes les paires chromosomiques et constituent la première
preuve d'une organisation de la chromatine pendant l'interphase. Au sein de
ces territoires, la fibre de chromatine conserve une organisation permettant
d'identifier des sous-domaines correspondant aux bras ou aux bandes chromosomiques.
La surface occupée par ces territoires est proportionnelle grossièrement
à la taille du chromosome, mais d'autres paramètres peuvent la
moduler comme, par exemple, le niveau global d'expression du chromosome. Ces
territoires chromatiniens ne constituent pas des compartiments nucléaires
au même titre que les nucléoles car ils sont perméables
comme le démontre la diffusion passive de Existe-t-il un arrangement précis et régulé
des chromosomes les uns par rapport aux autres pendant l'interphase? Cette question
difficile n'est toujours pas résolue de manière définitive
car des résultats divergents et parfois contradictoires ont été
rapportés, soit en faveur, soit contre cette hypothèse, mais il
faut souligner que les premières études ont été
menées sur des types cellulaires différents voire dans des espèces
différentes, ce qui suggère l'existence d'une variabilité
fonctionnelle et/ou tissulaire. Cependant, les résultats les plus récents semblent
confirmer l'existence d'un arrangement non aléatoire des territoires
chromosomiques les uns par rapport aux autres pendant l'interphase, en fonction
de leur taille et/ou de leur contenu en gènes. Ainsi, il existe une localisation
préférentielle des petits chromosomes vers l'intérieur
du noyau alors que les plus grands sont plus fréquemment observés
vers la périphérie. Cependant, le contenu en gènes intervient
également comme le prouve le cas des chromosomes 18 et 19. Bien que de
tailles comparables, le chromosome 19 riche en gènes est situé
plus vers le centre du noyau que le 18, pauvre en gènes et observé
en périphérie. Cette corrélation entre densité en
gène accrue et position plus centrale dans le noyau interphasique a depuis
été retrouvée pour d'autres paires. Si l'on admet donc l'existence d'une organisation non aléatoire
des territoires au sein du noyau, une autre question à résoudre
est de savoir si elle est associée à un arrangement particulier
des homologues ou de certaines paires entre elles. Là encore les résultats
obtenus jusqu'ici sont discordants et ne permettent pas encore de répondre
de manière définitive. Cependant, quelques observations récentes
concernant les positions respectives de chromosomes impliqués dans certaines
translocations réciproques militent en faveur d'un positionnement non
aléatoire des chromosomes les uns par rapport aux autres. Deux modèles sont proposés pour décrire
les relations qui existent entre territoires chromosomiques voisins. a) Dans le premier modèle (modèle
ICD : Interchromatin Domain), il existerait des espaces dépourvus
de chromatine appelés espaces interchromatiniens. Ces espaces forment
un réseau en trois dimensions de canaux qui débutent au niveau
des pores de la membrane nucléaire et s'étendent entre les territoires
chromosomiques dans lesquels ils s'invaginent. Leur taille est variable, avec
des lacunes de quelques micromètres de diamètre alors que les
régions les plus fines pourraient n'avoir que quelques nanomètres
de large. Ces espaces interchromatiniens seraient l'endroit où serait
concentré tout le matériel non chromatinien (corps nucléaires,
pré-ARNm, b) Le deuxième modèle (modèle
ICN : Interchromosomal network) suppose au contraire qu'il existe
des zones de recouvrement entre territoires voisins au niveau desquelles les
fibres de chromatine des deux chromosomes sont étroitement associées.
Ce modèle repose sur des observations faites sur des coupes ultrafines
qui permettent de mieux conserver l'architecture de la chromatine que les
préparations standard de FISH 3D. Environ 40% de chaque territoire
serait ainsi mélangé en périphérie avec les territoires
voisins. L'importance de la zone frontalière serait fonction notamment
de la compaction du territoire chromosomique (plus la chromatine est compacte
moins il y a de possibilités d'interpénétration), elle-même
étant proportionnelle à la richesse en gènes du chromosome
et à son activité transcriptionnelle. Dans ce modèle,
les protéines nécessaires à la transcription, la réplication,
la réparation de l'ADN ainsi que les ARN diffuseraient librement entre
les boucles de chromatine au sein de chaque territoire sans être confinées
au sein d'espaces spécialisés. Le principal intérêt
de ce modèle est de pouvoir concilier la notion de territoire chromosomique
avec la fréquence observée des translocations réciproques.
En effet, pour chaque chromosome, il existe une très bonne corrélation
entre la proportion de territoire mélangé avec les territoires
voisins et la fréquence des translocations réciproques impliquant
la paire considérée. Des différentes observations réalisées
jusqu'à maintenant, se dégage un modèle d'organisation
fonctionnelle du noyau interphasique constitué de territoires chromosomiques
contenant l'information génétique sous la forme de chromatine.
Au sein du noyau, les protéines et les ARN produits peuvent diffuser
librement pour atteindre leur site de fixation ou pour être exportés
vers le cytoplasme, soit via un réseau d'espaces canaliculaires connectés
aux pores nucléaires et séparant les territoires (modèle
ICD), soit directement entre les boucles de chromatine des différents
territoires (modèle ICN). Dans les deux modèles, les activités
de transcription qui se font au contact de la chromatine peuvent être
régulées en modifiant l'accessibilité aux gènes.
Les gènes actifs sont accessibles aux complexes de transcription soit
parce qu'ils sont proches d'un espace interchromatinien dans le modèle
ICD, soit parce qu'ils sont situés sur une grande boucle d'ADN dans le
modèle ICN. L'observation que l'activation d'un gène peut être
associée à sa relocalisation dans un territoire voisin permet
de plus d'envisager de nouveaux modes de co-régulation de gènes
participants à des voies métaboliques communes et éventuellement
situés sur des chromosomes distincts. Quelque soit le modèle qui s'avèrera le plus
proche de la réalité, cette organisation de la chromatine permet
d'inactiver facilement des groupes de gènes en modifiant leur position
au sein des territoires et en les rendant ainsi inaccessibles à la machinerie
transcriptionnelle. Parmi les nombreux points qui restent à élucider,
il y a la question de savoir si l'organisation en territoires chromosomiques
est un préalable permettant d'organiser et de réguler la transcription
ou si au contraire cette organisation ne serait pas la conséquence de
l'activité transcriptionnelle de la cellule, générant des
régions de chromatine compacte puisque inactive et d'autres plus «
aérées », au contact de zones riches en protéines
et ARNm résultant de la transcription. Les chromosomes sont-ils positionnés de façon
aléatoire au sein du noyau ou au contraire présentent-ils un arrangement
spécifique les uns par rapport aux autres? La question n'est pas résolue
mais elle ouvre d'intéressantes perspectives dans la mesure ou un tel
arrangement pourrait constituer une information épigénétique
importante dans le cadre de la différenciation cellulaire et pourrait
expliquer (ou être expliqué par) une expression différentielle
de certains gènes dans différentes lignées cellulaires.
Si cette hypothèse est vérifiée, la transmission à
l'identique de cette information positionnelle prend une importance capitale
pour conserver les caractéristiques propres à chaque type cellulaire.
Deux arguments sont actuellement en faveur d'une organisation coordonnée
des territoires les uns par rapport aux autre.
Un des éléments clé pour le contrôle
de cet asynchronisme de séparation des chromosomes pourrait être
la quantité d'hétérochromatine centromérique dont
on sait qu'elle est indispensable à la cohésion des chromatides
au niveau des Si la position relative des différents territoires
chromosomiques constitue bien une information épigénétique
(ce qui reste à démontrer de façon définitive),
il est d'ores et déjà probable que la transmission de cette information
n'est pas absolue, et que des variations surviennent après un nombre
plus ou moins important de Les territoires chromosomiques ont une position stable dans
le noyau au cours du cycle cellulaire, traduisant l'immobilité globale
de la chromatine dans le noyau. Les techniques d'analyse en fluorescence sur
cellules vivantes montrent en effet une grande stabilité des traceurs
utilisés pendant les phases G1, S et G2. Cette immobilité est
probablement en rapport avec le peu d'espace disponible à l'intérieur
du noyau, mais elle résulte également en partie de l'ancrage de
la chromatine à certains compartiments nucléaires, nucléoles
et enveloppe principalement. Cependant, si l'on change l'échelle d'analyse, on s'aperçoit
que la chromatine n'est pas figée dans le noyau mais que deux types de
mouvements peuvent être observés. a. D'une part, le marquage en fluorescence de toutes petites
régions chromosomiques (˜ 10 kb) a permis de mettre en évidence
l'existence de mouvements de faible ampleur, sur une distance inférieure
à 0,5 µm. Ces mouvements sont de type Browniens, orientés
dans toutes les directions de l'espace, mais en raison de leur faible amplitude,
le locus considéré reste circonscrit dans une région
réduite du noyau (environ 1/1000e du volume total). Ces mouvements
sont donc compatibles avec la notion de territoire chromosomique clairement
individualisé et relativement immobile. Tous les loci étudiés
ne montrent pas les mêmes possibilités de mouvement, certains
semblent moins mobiles comme les télomères, les centromères
ou certains domaines le long des chromosomes, correspondant peut être
à des sites d'ancrage de la chromatine aux structures nucléaires. b. D'autre part, des mouvements de plus grande ampleur sont
susceptibles d'être observés en relation avec une modification
de l'activité transcriptionnelle de la cellule, comme par exemple lors
de la ré entrée dans le cycle d'une cellule en phase de quiescence,
ou au cours de la différenciation cellulaire comme cela a été
observé dans des Lymphocytes B. Ces mouvements pourraient avoir un
rôle fonctionnel important au cours des processus de différenciation
cellulaire en modulant l'expression de certains gènes par un repositionnement
dans des régions favorisant ou au contraire inhibant la transcription.
Par ailleurs, l'existence de ces mouvements de la chromatine permettent d'expliquer
la colocalisation au sein de complexes de transcription de gènes situés
sur des chromosomes distincts, d'autant qu'il existe une corrélation
entre l'activité transcriptionelle d'une cellule et l'importance du
recouvrement des territoires chromosomiques entre eux. Dès le XIXe siècle, Rabl avait eu la bonne intuition
: le noyau n'est pas un organite servant uniquement à séparer
le génome du cytoplasme, mais il joue un rôle probablement essentiel
dans l'organisation de la chromatine et le contrôle de l'expression des
gènes. Au sein de cet organite, le génome est arrangé de
façon non aléatoire, chaque chromosome occupant un territoire
bien défini, et il est maintenu globalement en place par des contacts
avec diverses sous structures nucléaires ; cet arrangement, éventuellement
propre à certaines cellules ou tissus, est transmis aux cellules filles
au cours des divisions cellulaires. Enfin, des mouvements sont possibles malgré
tout au niveau de certains loci qui peuvent être relocalisés dans
d'autres régions du noyau notamment au cours des phénomènes
de différenciation cellulaire ou de reprise de la transcription. Ces
modifications de position, ainsi que l'existence d'un arrangement non aléatoire
des territoires chromosomiques suggèrent qu'il existe peut-être
dans le noyau des zones plus ou moins favorables à la transcription et
donc à l'expression des gènes. En fonction de son emplacement,
tel ou tel ensemble de gènes pourra ainsi être activé ou
inactivé dans sa globalité, sans avoir à assurer un contrôle
individuel de chacun d'eux. De plus, l'existence de zones d'exclusion faciliterait
l'action des protéines chargées de la transcription (enhancers,
polymerases, etc…) en réduisant le nombre de cibles potentielles
et en augmentant la concentration apparente des facteurs de transcription vis
à vis des gènes actifs. Il existerait ainsi une plasticité
génétique corrélée avec la mobilité de la
chromatine, qui participerait à l'adaptation des cellules à un
environnement changeant. L'importance de cette organisation et des structures qui la
maintiennent (notamment l'enveloppe nucléaire) dans la régulation
fonctionnelle du génome est attestée par les troubles associés
aux laminopathies. L'étude de la physiopathologie exacte de ces maladies
apportera probablement de nouveaux éclaircissements sur les mécanismes
de méta régulation de l'expression des gènes au niveau
régional. Parmi ceux-ci, les modifications épigénétiques
de l'ADN (méthylation des Cytosines, méthylation / acétylation
des histones) constituent un axe de recherche privilégié en raison
des nombreux arguments existant en faveur d'une relation entre épigenèse,
structure de la chromatine, organisation du génome et expression génique.
For comments and suggestions or contributions, please contact us a. Les nucléoles ont été
identifiés depuis longtemps comme étant le lieu de synthèse
des
En effet, un certain nombre de régulateurs transcriptionnels interagissent
avec les lamines, de même que la protéine HP1 qui se fixe spécifiquement
sur l'
4. Interface entre territoires voisins (Figure 1)
II. Evolution relative des territoires les uns par rapport
aux autres au cours des cycles cellulaires successifs.
III. Le noyau, une structure dynamique à 4 dimensions
Conclusion
Contributor(s) Written 2006-06 Jean Michel Dupont Histologie Embryologie Cytogénétique, Hôpital COCHIN, 123 Bd Port Royal, 75014 Paris, France
© Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology indexed on : Sat Dec 5 19:10:55 CET 2020