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Malgré les progrès réalisés par
les techniques d’imagerie et d’analyse biochimique, la structure
du chromosome métaphasique reste dans une large mesure inconnue. Une
partie de la difficulté qu’il y a à comprendre son architecture
est liée au fait qu’il s’agit d’une structure dynamique,
transitoire, qui nécessite donc d’être bloquée à
un moment précis pour être analysée. Mais dans le même
temps où l’on fige un chromosome par une technique d’analyse,
on prend le risque d’en modifier la structure.
Malgré tout, la combinaison de différentes approches permettent
aujourd’hui d’avoir une vue d’ensemble assez précise
de l’architecture du chromosome, bien que de nombreuses pièces
manquent encore au puzzle.
En terme fonctionnel, le chromosome représente la forme la plus condensée
que prend la molécule d’ADN au cours du cycle cellulaire. Cette
condensation maximale est atteinte au moment de la division cellulaire ou mitose,
et permet une séparation aisée des molécules d’ADN
répliquée dans les deux cellules filles. En effet, la taille d’une
molécule d’ADN décondensée est bien supérieure
au diamètre de la cellule (environ 14 mm pour le chromosome 21), ce qui
impose cette compaction sous la forme de chromosomes au moment de la division.
Par ailleurs, au moment de leur assemblage, les chromosomes intègrent
les structures indispensables à une séparation équilibrée
du matériel génétique entre les deux cellules filles à
l’anaphase.
On peut donc envisager deux états fonctionnels du génome pendant
le cycle cellulaire :
• Un état décondensé pendant l’interphase,
où l’ADN est visible en microscopie optique sous la forme de chromatine
dans le noyau et permettant l’expression des gènes.
• Un état condensé au moment de la division, où chaque
molécule d’ADN est compactée sous la forme d’un chromosome
avec perte provisoire de la fonction transcriptionnelle. De ce point de vue,
le chromosome au sens microscopique n’est donc pas un élément
stable de la cellule mais une structure dynamique et transitoire.
Morphologie des chromosomes en microscopie optique
Les premières observations des chromosomes remontent à la fin du
XIXe siècle, mais il a fallu attendre les années 60 pour que les
techniques de préparation permettent de les analyser en détail individuellement.
Le chromosome métaphasique est constitué de deux chromatides, chaque
chromatide représentant une des deux molécules d’ADN identiques
issues de la réplication en phase S. Ces deux chromatides sont étroitement
associées au niveau du centromère, qui constitue la constriction
primaire du chromosome et correspond à la zone de fixation sur les fibres
du fuseau de division.
Structure du chromosome métaphasique
Composition
Les chromosomes sont constitués en proportions à
peu près équivalentes d’ADN, de protéines histones
et de protéines non histones. In vivo, l’ADN n’est en effet
pas libre dans le noyau mais associé à diverses protéines
pour former la chromatine. Celle-ci va s’organiser en structures secondaires
et tertiaires pour aboutir à une compaction variable au cours du cycle
cellulaire, moins importante pendant l’interphase pour permettre la transcription
des gènes et maximale pendant la mitose pour faciliter la séparation
des deux lots chromosomiques.
La structure de base de la chromatine est le nucléosome, constitué
d'un octamère d'histones (2xH2A, 2xH2B, 2xH3 et 2xH4) autour duquel s’enroule
la molécule d’ADN (2 tours 1/4 autour de chaque nucléosome,
soit 146 paires de bases). Entre deux nucléosomes successifs, on trouve
une portion d’ADN « linker » de 200 pb environ chez les organismes
supérieurs. La molécule d'ADN est liée aux histones par
ses groupements Phosphate (environ une liaison tous les deux tours et demi d'hélice).
Une cinquième histone, l'Histone H1, stabilise l'enroulement de l'ADN
autour du nucléosome et entraîne une compaction d'un facteur 30.
Architecture en microscopie électronique et de force atomique
La microscopie de force atomique est basée sur la détection
des variations de force atomique entre une sonde et l'échantillon (Forces
de Vander Waals). La sonde remplace l'objectif traditionnel des microscopes
et se déplace au-dessus de l'échantillon pour enregistrer ces
variations, à partir desquelles une image est reconstituée.
Cette technique permet d'obtenir une résolution de l'ordre du nanomètre
et de visualiser en détail la surface des chromosomes (Ushiki et al.,
2002). Cette surface est irrégulière, alternant reliefs et sillons
correspondant grossièrement aux bandes G et R. Les chromatides sont
constituées par «l'enroulement» d'une fibre de 200 nm de
diamètre, elle-même constituée par une fibre de 50 nm
de diamètre repliée sur elle-même. L'arrangement de la
fibre de 50 nm est plus dense au niveau des bandes G que des bandes R. La
microscopie de force atomique ne permet malheureusement que de visualiser
la surface du chromosome et ne donne aucune information sur l'arrangement
interne de la fibre de chromatine.
L'utilisation de la microscopie électronique à permis d'obtenir
les premières informations sur l'architecture interne du chromosome
métaphasique Après extraction des histones par une solution
de forte force ionique ou riche en polyanions, on observe un halo de boucles
d'ADN en périphérie d'un squelette protéique central
ayant grossièrement la forme du chromosome métaphasique (Paulson
and Laemmli, 1977). Ces boucles représentent environ 100 Kb d'ADN et
correspondent aux rosettes de la fibre de 30 nm, insérées par
leur base dans la structure protéique centrale au niveau des SAR. En
faisant varier les conditions ioniques du milieu, on observe des variations
morphologiques du squelette protéique, qui s'étire ou se contracte
de façon réversible (Earnshaw and Laemmli, 1983).
Composition de l’axe protéique
Deux principales protéines sont constitutives de ce “squelette”
interne du chromosome : la Topoisomérase II et les Condensines I et II.
La Topoisomérase est une protéine dont la fonction est de supprimer
les super tours au niveau de la molécule d’ADN et de supprimer
les nœuds créés par l’activité des différentes
enzymes actives au niveau de l’ADN. La Topoisomérase II a la
capacité de couper la molécule d’ADN, de faire passer
le brin coupé en dehors de la boucle et de ressouder les deux extrémités.
Cette fonctionnalité est essentielle pour permettre une séparation
correcte des deux chromatides soeurs pendant l’étape de condensation
des chromatides en prophase. Un déficit en Topoisomérase II
se traduit alors par un défaut de condensation des chromosomes, avec
pour conséquence une séparation incomplète des deux lots
chromosomiques en anaphase et la persistance de masse de chromatine au niveau
du plan de division cellulaire (Chang et al., 2003). Cette protéine
n’est cependant pas un composant fixe de l’axe protéique,
elle en constitue au contraire un élément dynamique en renouvellement
permanent (Christensen et al., 2002).
Le deuxième constituant essentiel de l’axe chromosomique est la Condensine,
dont il existe deux sous types, Condensine I et II. Ces protéines sont
en fait des complexes multiprotéiques associant 2 sous unités SMC
(SMC2 et SMC 4 pour Structural Maintenance of Chromosome) et 3 sous unités
non SMC (CAP H/H2, CAP D2/D3, CAP G/G2). Les deux sous unités SMC s’associent
pour former un V porteur d’un site de fixation pour l’ATP à
l’extrémité de chacune des deux branches.
Assemblage du chromosome métaphasique
Topoisomérase II et Condensine II sont présentes
pendant l’interphase dans le noyau. En revanche, la Condensine I a une
localisation cytoplasmique et ne peut s’associer aux chromosomes qu’après
la disparition de l’enveloppe nucléaire (Ono et al., 2004). En
début de prophase, on observe une phosphorylation de la Topoisomérase
II et de la Condensine II entraînant leur association avec la périphérie
de la chromatine en cours de compaction (Swedlow and Hirano, 2003). Cette
association permet un premier niveau de compaction de la fibre de 30 n pour
aboutir à une fibre de 200 - 250 nm de diamètre via la formation
de multiples connexions interchromatiniennes. Puis, un deuxième niveau
de compaction apparaît en fin de prophase suite à la réorganisation
des protéines de structures qui deviennent axiales et assurent la stabilisation
de l’enroulement de la fibre de 250 nm en une fibre de 700 nm de diamètre
(Kireeva et al., 2004). La condensine I semble jouer un rôle prépondérant
dans la stabilisation finale de la structure du chromosome. Un point essentiel
de cette architecture chromosomique est son caractère dynamique, caractérisée
par un flux permanent de protéines qui s’associent et se dissocient
en permanence de l’axe protéique qui n’est pas une structure
fixe (Christensen et al., 2002).
La compaction de la chromatine en un chromosome métaphasique est régulièrement
présentée comme une étape indipensable à la ségrégation
des chromosomes de par le raccourcissement qu’elle induit. En fait,
les observations effecuées ces dernières années tendent
à prouver qu’il n’en n’est rien et que la longueur
du chromosome varie peu de l’interphase à la métaphase.
Ceci a été démontré par mesure en fluorescence
de la longueur du chromosome interphasique (Lemke et al., 2002) et par le
suivi des foci de réplication au cours de la compaction dans des cellules
vivantes (Manders et al., 1999). La compaction permettrait essentiellement
à une séparation des chromatides sœurs, alors que l’étape
finale de raccourcissement de la longueur des chromatides ne surviendrait
pour l’essentiel qu’en anaphase (Mora-Bermudez et al., 2007).
Conclusion
Le chromosome métaphasique, en tant que structure biologique, n’a
pas encore révélé tous ses secrets. Les progrès réalisés
ces dernières années ont permis de montrer qu’il s’agit
d’une construction dynamique résultant de la stabilisation par des
protéines spécifiques d’un réseau de connexions intrachromatiniennes
aboutissant à une compaction très importante du matériel
génétique. La formation de ces connexions entre les boucles de chromatine
est un phénomène encore mal compris mais très régulé
comme en atteste la reproductibilité des bandes chromosomiques obtenues
après divers traitements, soit par la chaleur (Bandes R) soit par digestion
enzymatique par la Trypsine (Bandes G) et coloration par le Giemsa.
En outre, ces bandes traduisent probablement l’existence d’une
architecture différente de ces boucles dans différentes régions
du génome, aboutissant à une sensibilité variable aux
techniques de banding et donc à une colorabilité différente
par le Giemsa. Les expériences réalisées dans les années
1990 par l’équipe de Saitoh (Saitoh and Laemmli, 1994) suggèrent
que le squelette protéique aurait une organisation hélicoïdale
au niveau des bandes G, avec des boucles d’ADN en moyenne de plus petite
taille, et une organisation plus linéaire et centrale au niveau des
bandes R avec des boucles d’ADN de plus grande taille.
Ces différences créeraient une sensibilité variable aux
traitements de banding et une colorabilité différente par les
colorants primaires constitutifs du Giemsa (Eosine, Bleu de Méthylène,
Azure A et Azure B) des différentes régions en fonction de la
concentration locale en protéines et ADN. La question de savoir pourquoi
y a-t-il une architecture différente au niveau des bandes G et des bandes
R n’est pas tranchée aujourd’hui, la responsabilité
évoquée d’une différence du rapport AT/GC entre les
bandes G et les bandes R ne semblant pas en mesure d’expliquer ce phénomène.
Contributor(s) |
Written | 2008-06 | Jean-Michel Dupont |
Histologie Embryologie Cytogénétique, HÈpital Cochin, 123 Bd Port Royal, 75014 Paris, France |
© Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology | indexed on : Sat Dec 5 19:11:20 CET 2020 |
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