DYSGONOSOMIES ET SYNDROMES APPARENTES


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Written 2008-08-01


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A - SYNDROME DE TURNER

    En quelques mots, le syndrome de Turner (ou de Turner-Ullrich) est un retard de croissance avec impubérisme, malformation cardiaque et/ou rénale fréquente, et intelligence normale, due à un déséquilibre chromosomique: 45, X et variants.

    I. Epidémiologie:

    • 0,4 /1000 nouveaux-nés filles (mais 20 % des anomalies chromosomiques dans les fausses couches précoces, soit environ 10% des fausses couches précoces).

    • par perte du gonosome maternel (un X) dans 20-30% des cas et du gonosome paternel (un X ou un Y) dans les 70-80% des cas restants.

    II. Examen clinique:

      Le diagnostic peut être évoqué:

    • en période néo-natale (dysmorphie, malformation) ou

    • chez la jeune fille (retard de croissance, impubérisme).

    1 - forme néo-natale:

    • retard de croissance intra utérin.

    • fréquence de l'artère ombilicale unique.

    • status de Bonnevie - Ullrich (BU) associant:

      • lymphoedème du dos des mains et/ou des pieds (dur, non inflammatoire, régresse à 2 ans).

      • excès de peau sur la nuque (pterygium colli).
        1/3 des BU sont dûs à un syndrome de Turner, 75 % des Turner ont un BU.


      Devant cette symptomatologie sera pratiqué un caryotype et recherché des malformations (cardiaques, rénales) associées.

    2 - Dans l'enfance et l'adolescence:

    • petite taille (adulte

    • visage triangulaire, triste.

    • hypertélorisme.

    • ptosis.

    • épicanthus possible.

    • fentes palpébrales en bas et en dehors.

    • cou court.

    • pterygium colli (plus de 50 % des cas).

    • cheveux implantés bas sur la nuque.

    • palais ogival.

    • micrognatisme.

    • oreilles implantées bas.

    • thorax en bouclier.

    • mamelons trop écartés.

    • brachymétacarpie du 4e doigt.

    • cubitus valgus.

    • radius curvus (difformité Madelung: subluxation de la main).

    • affaissement du plateau tibial interne (signe de Kosowizc).

    • ostéoporose intense (et risque accru de fractures) après 45 ans.

    • naevi constants; vitiligo et/ou taches café au lait.

    • tendance aux cicatrices chéloïdes (n' opérer que si nécessaire; éviter la chirurgie esthétique).

    • dermatoglyphes: nombre de crêtes digitales = 187 - (30 * X) - (12 * Y) (ici = 157).

    • ongles hypoplasiques

    • organes génitaux externes de type infantile.

    • utérus hypoplasique.

    • aménorrhée primaire et stérilité.

    • absence de développement mammaire.

    • pilosité pubienne réduite.

    • intelligence normale ou subnormale; les troubles cognitifs (mineurs) touchent les capacités de la perception visuo-spatiale, l' attention, la fonction motrice et la mémoire non verbale. Ces troubles peuvent être dûs en partie à une souffrance d' origine psycho-sociale, mais aussi en partie aux déséquilibres génétiques et à leurs conséquences (ex: le déficit hormonal).

    Malformations:

    • cardiaques (20-30%): dont coarctation de l'aorte (10-15 %) qui peut aboutir à une dissection ou à une rupture de l' aorte, valve aortique bicuspide, veine cave supérieure gauche, et autres malformations; toute coarctation de l'aorte chez une fille doit faire évoquer un syndrome de Turner.

    • rénales (40-50 %): rein en fer à cheval, hydronéphrose...

    • luxation congénitale de la hanche, scoliose.

    • organes des sens: surdité (40%), myopie, cataracte, strabisme.

    • maladies récessives liées à l' X: atteinte selon le mode et la fréquence masculine, puisque le Turner, comme l' homme, ne possède qu' 1 X (ex: daltonisme, hémophilie, myopathie de Duchenne de Boulogne...); toute maladie récessive liée au sexe chez un sujet féminin doit faire pratiquer un caryotype.

    III. Diagnostic: le caryotype:

    • 45, X homogène: 55 % des cas.

    • isochromosomes: i(Xp), i(Xq); segments chromosomiques délétés: del (Xp), del (Xq); anneaux: r(x); mosaïques ... --> phénotypes Turneriens plus ou moins typiques, parfois féconds avec aménorrhées secondaires.

    • c' est la délétion de Xp qui est responsable de la majeure partie du syndrome, sauf la déficience ovarienne, plutôt associée à la perte de Xq.

    IV. Bilan:

    • déficience ovarienne (déficit en stéroïdes sexuels, aménorrhée).

    • gonades réduites à des bandelettes fibreuses (régression des cellules germinales au 3e mois intra utérin; biopsie non indispensable).

    • tendance à l'hyperglycémie; HTA (20-30%).

    • fréquence des pathologies auto-immunes (thyroïde: surveiller T4, TSH, anticorps).

    • radiographies (squelette, appareil urinaire, coeur).

    V- Diagnostic différentiel:

    • autres pathologies responsables d'un status de Bonnevie - Ullrich.

    • dysgénésies gonadiques.

    • syndrome de Noonan (voir ci dessous)

    • autres pathologies avec aménorrhée primaire; ex: femmes XY: phénotype féminin avec caryotype 46, XY).

    VI. Traitement:

    • des malformations.

    • gonadectomie si présence d'un chromosome Y en mosaïque (risque néoplasique).

    • oestrogénothérapie et hormone de croissance pour compenser le retard de croissance, induire le développement de caractères sexuels secondaires et la menstruation, et prévenir l' ostéoporose.

    • soutien psychologique (stérilité).

    Commentaires: On pense que les gènes impliqués dans ce syndrome sont localisés dans la région qui échappe à l' inactivation; les différentes manifestations cliniques peuvent être dûs à l' haploinsuffisance de gènes spécifiques (dans la région pseudo-autosomale), des effets de l' aneuploïdie (en meiose, par exemple), et/ou à la souffrance foetale due au lymphoedème.

 

B - SYNDROME DE KLINEFELTER

    I. Epidémiologie:

    • 1,5 /1 000 nouveaux nés mâles.

    • âge maternel augmenté.

    • l' X surnuméraire provient plus souvent de la mère.

    II. Diagnostic:

    • Rarement suspecté avant la puberté (retard mental; anomalie des organes génitaux externes non spécifique),

    • plus souvent à la puberté (gynécomastie, atrophie testiculaire),

    • ou lors d'un bilan d' infertilité.

    • généralement, l'aspect physique est normal; deux formes sont classiquement décrites:

    • la forme longiligne macroskèle,

    • la forme gynoïde (obésité gynoïde: 25 % des cas; gynécomastie: 15-25 % des cas; diamètre bitrochantérien > diamètre biacromial).

      • développement normal de la verge.

      • testicules petits, indolores.

      • pilosité peu fournie ou normale, de répartition féminine.

      • libido diminuée; impuissance à 30 ans fréquente.

      • stérilité.

      • développement intellectuel normal ou peu abaissé.

      • dyslexie/dysphasie et trouble des fonctions exécutives frontales.

      • tendances caractérielles et psychotiques.

    • cancer du sein: risque multiplié par 50 par rapport à l' homme normal (mais 8 fois moindre que chez la femme, le risque chez la femme étant 400 fois celui existant chez l' homme) (près de 10% des cancer du sein chez l' homme sont trouvés chez des sujets Klinefelter).

    III. Diagnostic: le Caryotype:

    • 47 XXY homogène: 80 % des cas.

    • XXXY, XXXXY, XXYY: 10 % des cas.

    • mosaïques: 5-10 % des cas ((rarement) féconds).

    IV. Bilan:

    • élévation des gonadotropines et androgènes bas.

    • spermogramme: azoospermie chez les sujets non-mosaïques; des foyers résiduels de spermatogénèse sont parfois retrouvés, et des spermatozoïdes matures peuvent par injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI: intracytoplasmic sperm injection), permettre la paternité.

    • biopsie testiculaire (non indispensable): tubes séminifères atrophiques, hyperplasie leydiguienne.

    Traitements: la testostérone permet de corriger le déficit en androgènes, et d' induire une virilisation; probable effets, également, sur l' humeur et l' estime de soi.

 

C - SYNDROMES FRAXA et FRAXE (Fragile Xq ou Fra(X)(q28))

    I. Epidémiologie:

    • FRAXA: 0,2/1 000 naissances mâles et 0,1/1 000 naissances filles.

    • FRAXE: 0,02/1 000 naissances mâles.

    II. Clinique:

    • Visage rappelant celui de la trisomie 8.

    • macrocéphalie.

    • front haut.

    • hypoplasie de l' étage moyen.

    • racine du nez large.

    • prognatisme.

    • lèvres épaisses.

    • palais ogival.

    • oreilles grandes, décollées, peu ourlées.

    • macroorchidie.

    • fécondité le plus souvent conservée.

    III. Développement mental et troubles psychiques (paragraphe écrit par Denis Reserbat-Plantey):

    • Chez le garçon:

      • Retard mental de léger à sévère (QI moyen à 50), peut aller du simple retard scolaire dans les apprentissages à l'impossibilité d'acquérir l'écriture, la lecture. Le petit enfant Xq fra est souvent hypotonique; dans les formes plus sévères il présente souvent déjà un retard psychomoteur (retard à la marche...).

      • Troubles du langage: retard dans l'apparition du langage, troubles de l' articulation, dysrythmie, omissions, bredouillements, écholalies (tendance à répéter les mêmes phrases et à poser les mêmes questions).

      • Troubles du comportement: angoisses, troubles de l'attention, hyperactivité, impulsivité, fuite du regard, résistance aux changements, agressivité, automutilation, stéréotypies motrices (battements d'ailes, "flapping") et bizarreries. Parfois tous ces symptômes sont présents, et constituent un syndrome autistique.

      • Les différentes études réalisées parmi les autistes montrent que 5 à 7 % des autistes sont Xq Fra.

    • Chez la fille:

        Retard mental plus léger, voire inexistant. Elles peuvent présenter: des difficultés scolaires (plus modérées que chez le garçon), des troubles de la mémoire, un caractère changeant, de la timidité, des difficultés relationnelles, une tendance dépressive. Leurs difficultés peuvent être interprétées à tord comme ayant des causes sociales.

    III. Diagnostic: le caryotype peut montrer des lacunes et cassures en Xq27-28, mais le diagnostic repose actuellement sur l' étude moléculaire du gène.

FRAXA

  • La maladie est due à une hyperexpansion de triplets CGG répétés se trouvant normalement dans la partie 5' non traduite du gène FMR-1 (fragility, mental retardation) localisé en Xq27.3.

  • En conséquence de cette hyperexpansion, ces îlots CpG deviennent hyperméthylés, empêchant l' expression du gène FMR-1.

  • Le gène FMR-1 normal est traduit en une protéine appelée FMRP, qui se lie à l' ARN, est exprimée ubiquitairement, en particulier dans le cerveau et le testicule.

  • Dans la population normale, le triplet CGG est répété de 6 à 54 fois. Ceci est transmis à la génération suivante de manière stable.

  • Certaines personnes ont entre 60 et 200 répétitions; c' est la prémutation; elle est héritée de manière instable (l' enfant tend à avoir plus de répétitions que sa mère), mais ce nombre de répétition est stable chez l' individu (identique dans chaque cellule).

  • L' hyperexpansion à plus de 200 répétitions est appelée mutation (ou mutation complète); les CGG sont alors méthylés (sur les cytosines; même chez l' X actif) ; cette mutation est héritée de manière instable, elle est également instable chez l' individu (mutations somatiques). Presque tous les sujets mâles et la moitié des sujets féminins présentant la mutation complète sont porteur de la symptomatologie. Elle est moins nette chez le sujet féminin.

    Notes:

  • le passage de l' allèle normal à la prémutation n' a jamais été observé.

  • le passage de la prémutation à la mutation ne se fait que lors de la transmission par une femme (donc, toute mère d' enfant atteint porte la prémutation).

FRAXE

  • locus in Xq27-28, 600 kb distal de FRAXA.

  • processus identique d' hyperexpansion d' îlots CpG.

  • phénotype très atténué.

    Fig. 1

    Note: ce type de mutation instable existe aussi dans d' autres maladies, telle la maladie de Huntington: une maladie avec atteinte neuropsychiatrique progressive, due à des expansions de répétitions CAG en 4p16.

 

D - 47, XXX

  • Epidémiologie: 1 / 1 000 filles; âge parental augmenté.

  • Clinique:

    • souvent non détecté: phénotype, puberté, fertilité, et descendance sont généralement normaux.

    • ménopause précoce.

    • QI normal ou légèrement abaissé; parfois troubles psycho-sociaux.

 

E - 48, XXXX et 49, XXXXX

    faux air de trisomique 21; débilité.

 

F - 47, XYY

  • Epidémiologie: 1 / 1 000 garçons.

  • Clinique:

    • souvent non détecté: phénotype normaux; grande taille.

    • la fertilité peut être réduite; descendance normale.

    • léger retard mental possible; impulsivité, violence et troubles caractériels fréquents.

 

G - MALES 46, XX

  • Epidémiologie: 0.1 / 1 000 garçons.

  • Clinique: évoque un phénotype Klinefelter; stérilité.

  • L' inversion sexuelle peut être due à la présence de gènes de détermination sexuelle dans le sens masculin sur un chromosome X (par échange X/Y en meiose paternelle), ou sur un autosome (par translocation Y/autosome chez le père). Il s' agit en particulier de SRY (Sex determining Region, Y chromosome). D' autres gènes déterminants du sexe, situés sur les gonosomes ou les autosomes, sont probablement impliqués.

 

H - FEMME 46, XY

  • Epidémiologie: 0.1 / 1 000 filles.

  • Phénotype de déficience ovarienne, avec ou sans autres stigmates associés (ex: ambiguïté sexuelle, anomalies des membres).

  • L' inversion sexuelle chez les femmes XY est due à une mutation dans SRY dans 15% des cas, mais aussi à des mutations (connues ou inconnues) dans d' autres gènes; certains de ces gènes sont localisés sur des autosomes (ex: SOX9 sur le 17).

 

I- SYNDROME DE NOONAN

  • Auparavant appelé syndrome de Turner à caryotype normal (46,XX ou 46,XY) en raison du retard de croissance et d' autres signes en commun (ce pourquoi ce syndrome est cité ici), c' est en fait une maladie autosomale dominante.

  • malformations cardiaques, retard mental léger, fertilité ou infertilité peuvent se voir.

  • un gène a été localisé en 12q24.

Citation

Atlas of Genetics and Cytogenetics in Oncology and Haematology 2022-05-30

DYSGONOSOMIES ET SYNDROMES APPARENTES

Online version: http://atlasgeneticsoncology.org/teaching/209026/dysgonosomies-et-syndromes-apparentes